Arūnas Lekavičius a fait toute sa carrière dans le milieu bancaire et financier avant de prendre les rênes de PeerBerry en janvier 2019. Successivement en charge du service client (banque scandinave SEB) puis du crédit-bail (banque Luminor, groupe 4finance), les actionnaires de Peerberry lui ont fait confiance pour poursuivre le développement de la plateforme de crowdlending.
Arūnas Lekavičius a accepté de répondre à quelques-unes de mes questions avec beaucoup de célérité et de professionnalisme.
Voyons donc quelles sont les nouvelles du côté de PeerBerry.
1. Vous avez fait toute votre carrière dans le milieu bancaire et financier. Quelles ont été vos motivations pour intégrer le secteur du crowdlending (qui est par définition une alternative aux prêts bancaires) ?
Après des études en finance, j’ai commencé rapidement à travailler dans ce secteur. J’ai commencé comme employé de première ligne au service clientèle, puis après quelques années, j’ai accédé à un poste de direction. Cette expérience a été pour moi l’occasion de bien comprendre les besoins de nos clients. Elle m’a également permis de connaître en profondeur l’ensemble des produits financiers.
En travaillant au sein de banques, j’ai participé à l’ensemble des processus opérationnels. Ce qui fait que je connais très bien le fonctionnement interne et externe de ce secteur. Au fil de mes expériences, j’ai vu le marché évoluer et j’ai pu observer l’impact progressif du secteur des FinTech sur le secteur bancaire. Il est désormais devenu inévitable pour les banques de changer, car les fournisseurs de services alternatifs leur ont fait comprendre qu’il fallait moins de bureaucratie, davantage de technologies et plus de réactivité.
Par nature, je suis une personne de progrès, donc passer d’une alternative aux banques pour aller vers la FinTech était une étape naturelle pour moi. Mon expérience dans le secteur bancaire s’avère donc être un réel avantage pour mon travail chez PeerBerry puisque je peux appliquer les normes bancaires mais au rythme des FinTech.
2. À votre arrivée en 2019, quels sont les axes de développement prioritaires que vous aviez identifiés et vos objectifs ont-ils été (pour partie) atteints ?
Lorsque j’ai rejoint PeerBerry début 2019, nous étions l’une des plus petites plateformes du marché. Le portefeuille total de PeerBerry était alors de 8 millions d’euros, alors que maintenant, notre portefeuille est de 57 millions d’euros. Nous avons donc multiplié notre portefeuille par 8 en un peu plus de deux ans.
À mon arrivée, mon objectif principal était de renforcer l’équipe, d’améliorer la plateforme en tant que technologie pour en faire l’un des meilleurs outils d’investissement sur le marché. J’ai accordé beaucoup d’attention à l’amélioration des processus internes, à la gestion des risques, à l’efficacité de la collaboration avec nos partenaires commerciaux.
D’après les volumes de prêts financés, PeerBerry est aujourd’hui la deuxième plus grande plateforme d’Europe continentale. Notre position sur le marché et nos résultats montrent que nous n’avons pas seulement atteint nos objectifs, mais que nous les avons dépassés.
Et nous n’allons pas nous arrêter là puisque notre objectif est de devenir leader en termes de qualité dans la catégorie de services que nous fournissons. La sécurité des fonds des investisseurs est une priorité absolue pour nous. Être le plus grand sur le marché n’est pas notre objectif.
3. En 2020, PeerBerry a demandé une licence de société de courtage en investissement au régulateur letton FCMC. Qu’attendez-vous de cette licence ?
Si cela pouvait être mon choix ou ma décision, je choisirais une réglementation unifiée au niveau européen. Malheureusement, une telle réglementation n’existe pas encore, de sorte que chaque pays, comme la Lettonie dans notre cas, réglemente individuellement le secteur du crowdlending.
Comme la réglementation en Lettonie est encore en cours, je ne peux pas énumérer exactement et en détail les avantages dont bénéficieront les investisseurs.
Mais d’un point de vue plus général, la réglementation lettone apportera davantage de confiance à l’ensemble du secteur des investissements alternatifs. Comme les États baltes ont la plus forte concentration de plateformes, la réglementation en Lituanie (qui est en vigueur depuis plusieurs années déjà) et en Lettonie dictera certaines règles du jeu pour l’ensemble du secteur. Je pense que les investisseurs évalueront les plateformes avec encore plus d’attention, qu’ils donneront la priorité aux plateformes réglementées et qu’ils auront de moins en moins de tolérance pour les plateformes douteuses.
La réglementation en Lettonie pourrait entraîner une légère baisse des taux d’intérêt (car les plateformes auront certainement des coûts plus élevés après la réglementation). Comme pour les banques, les plateformes auront plus de bureaucratie, des questionnaires plus réguliers notamment sur la capacité du client à évaluer les risques, etc. Mais fondamentalement, rien ne devrait changer de manière significative pour les investisseurs.
L’aspect le plus important de la réglementation est une plus grande transparence et une plus grande sécurité pour les investisseurs, y compris la couche de sécurité supplémentaire. En effet, les droits des investisseurs seront protégés par les lois de la République de Lettonie et de l’UE. Ainsi, la classe statutaire des investisseurs aura droit à une compensation de 90% du montant investi jusqu’à 20 000 euros.
4. Récemment, vous avez publié la répartition des investisseurs de PeerBerry par pays. Le plus grand nombre d’investisseurs actifs dans le portefeuille de PeerBerry est de loin l’Allemagne (27%). Comment expliquez-vous cela ?
L’explication la plus simple serait que l’Allemagne représente la plus grande population par rapport aux autres pays de l’UE. Une deuxième explication pourrait être que certains investisseurs allemands, qui sont également actifs dans le partage d’informations sur leur expérience d’investissement, pourraient avoir commencé à partager ces informations plus tôt, sous une forme suffisamment précise, et dans une mesure telle que ces informations atteignent un large public, les éduquant ainsi sur les opportunités d’investissement alternatif.
Nous constatons que sur de nombreuses autres plateformes, les investisseurs allemands représentent également la plus grande partie des investisseurs, et PeerBerry ne fait donc pas exception à la règle.
5. Comment expliquez-vous que la France, qui est le 2ème pays en termes de population, ne se classe que 5ème dans la répartition des investisseurs de PeerBerry par pays ? Envisagez-vous de traduire le site de PeerBerry dans d’autres langues à l’avenir afin de l’ouvrir à un plus grand nombre de personnes ?
Il se peut que les Français soient plus conservateurs que les Allemands en matière d’investissements alternatifs et qu’ils soient donc moins nombreux sur la plateforme PeerBerry, mais le nombre d’investisseurs français est en nette augmentation.
Nous n’avons pas encore l’intention d’introduire de nouvelles langues. Comme je l’ai dit plus haut, notre objectif n’est pas d’être la plus grande plateforme. Notre objectif est de garantir la sécurité totale des investissements. Notre expérience montre que nos services sont compris par les investisseurs d’une grande variété de pays et que le nombre de langues proposées actuellement est la solution optimale.
6. Certaines plateformes de crowdlending n’acceptent plus les Français en raison de problèmes liés à la réglementation française. Est-ce un problème que vous anticipez pour PeerBerry ?
Nous vous informons qu’à l’heure actuelle, nous acceptons les clients français, mais nous surveillons constamment la situation en France et dans d’autres pays en ce qui concerne la réglementation en constante évolution.
7. Dans une interview en août 2019, vous avez déclaré que “PeerBerry ne demande pas de skin in the game aux sociétés de crédit mais si nous continuons à croître comme nous le faisons maintenant, cela pourrait changer”. Quelle est votre position aujourd’hui ?
Nous pensons qu’avec nos partenaires, nous disposons de meilleures mesures de sécurité que le “skin in the game” pour nos investisseurs. C’est pourquoi nos investisseurs n’ont jamais eu à subir de pertes ou d’autres problèmes en investissant sur PeerBerry.
Avec nos partenaires, nous prenons et appliquons plusieurs mesures préventives :
- Les partenaires de PeerBerry n’empruntent que jusqu’à 45% de leur portefeuille de prêts via la plateforme. PeerBerry contrôle le niveau d’endettement des partenaires afin qu’il ne dépasse jamais la limite fixée. Par exemple, le portefeuille total de prêts de nos principaux partenaires commerciaux (les entreprises qui travaillent sous le nom d’Aventus Group), à la fin du mois de juin 2021, s’élevait à 126,5 millions d’euros, alors que la dette envers PeerBerry n’est que de 41,5 millions d’euros. Seuls environ 33% du portefeuille total sont des fonds empruntés, l’autre partie des prêts est émise en utilisant leurs propres fonds. En ayant un tel ratio (portefeuille total vs fonds empruntés), cela écarte tout problème potentiel avec nos investisseurs.
- Les partenaires de PeerBerry constituent en permanence une réserve de liquidités de 10% (et plus) de leur portefeuille de prêts. PeerBerry peut utiliser cette réserve à tout moment pour rembourser les prêts aux investisseurs.
8. PeerBerry a connu une forte croissance ces derniers mois et apparaît maintenant comme un acteur clé du crowdlending en Europe. Ne pensez-vous pas qu’il est temps d’appliquer les normes comptables internationales IFRS (International Financial Reporting Standards) ?
De nombreux investisseurs sous-estiment la plateforme et ne prêtent pas suffisamment attention aux partenaires commerciaux de la plateforme. C’est une mauvaise approche. Par l’intermédiaire de la plateforme, les investisseurs placent leurs fonds dans des prêts émis par des sociétés de crédit.
Ce sont les sociétés de crédit qui restituent les fonds investis aux investisseurs et leur versent des intérêts. Pas la plateforme. La plateforme est l’intermédiaire entre les investisseurs et les sociétés de prêt. Par conséquent, une attention particulière doit être accordée à l’analyse des partenaires commerciaux de la plateforme et de leurs états financiers.
Je tiens à attirer votre attention sur le fait que presque tous les états financiers de nos partenaires commerciaux sont audités, comme l’exigent les lois et règlements des pays où nos partenaires opèrent. Nos partenaires en Pologne et en Ukraine préparent leurs états financiers selon les normes IFRS, comme l’exige la réglementation locale. Les autres prêteurs se conforment aux réglementations en vigueur dans leurs pays respectifs.
En ce qui concerne la plateforme, notre seul revenu est une commission reçue de nos partenaires commerciaux. N’oubliez pas que nous travaillons en coopération avec le régulateur en Lettonie depuis plus d’un an déjà. L’année dernière, le régulateur a examiné et évalué l’actionnariat de la plateforme, tous les documents, les processus – en fait, tout. Ce processus peut être assimilé à un audit, c’est pourquoi nous ne faisons pas d’audit supplémentaire pour le moment.
Si nous faisons l’objet d’un double audit, nous ne deviendrons pas deux fois meilleurs. Pendant le processus d’octroi de la licence, nous rendons régulièrement compte au régulateur des activités et des résultats de la plateforme, c’est-à-dire que nous répondons déjà aux exigences du régulateur. Une fois que PeerBerry aura obtenu sa licence, l’audit annuel de la plateforme sera obligatoire.
9. Le nombre total d’investisseurs actifs a augmenté de 30 % au cours du premier semestre de 2020. Cette croissance a été particulièrement élevée pour les investisseurs qui investissent de 50 000 € à 100 000 € (+127%). Comment expliquez-vous cela ?
Oui, au cours du premier semestre de l’année, nous avons enregistré une augmentation du nombre de nouveaux investisseurs dans toutes les catégories élevées de montants, et surtout dans la catégorie des 50 000 à 100 000 euros. Cependant, la plus grande partie du portefeuille de Peerberry est constituée d’investissements entre 10 000 et 25 000 EUR (23% du portefeuille total) et d’investissements supérieurs à 100 000 EUR (21% du portefeuille total). Les investissements de 25 000 à 50 000 euros représentent 18 % du portefeuille total.
Cette année, PeerBerry fêtera ses quatre années d’activité. Tout au long de cette période, nos investisseurs n’ont pas connu de pertes ou d’autres problèmes. Les investissements importants montrent la grande confiance des investisseurs dans la plateforme.
10. Comment voyez-vous l’avenir proche ? Quels sont les domaines de développement pour PeerBerry ? Quels aspects pensez-vous que PeerBerry doit améliorer ?
L’une de nos principales priorités est désormais la réglementation et la poursuite du développement de la plateforme et de l’application mobile PeerBerry.
Si vous souhaitez réagir à cette interview du patron de PeerBerry, ce sera avec plaisir. Vous avez l’espce des commentaires ci-dessous pour cela.
J’espère vous proposer davantage d’interviews très bientôt.